Les 29 et 30 novembre prochain sera désigné le futur Secrétaire Général de l’Organisation internationale de la Francophonie. C’est en parallèle de la tenue du XVème Sommet de la Francophonie à Dakar que sera alors choisi celui ou celle qui aura l’honneur de succéder à Abdo Diouf à la tête de l’OIF. Cinq candidats briguent cette responsabilité, avec, parmi eux, l’ancien président du Burundi Pierre Buyoya. Si chacun des prétendants au poste espère l’emporter, la candidature de Pierre Buyoya semble se détacher du lot, nourrie par une expérience et un profil qui pourraient faire la différence.
Diriger la Francophonie, plus qu’une responsabilité aux accents culturels
Cinq candidats sont aujourd’hui en lice pour décrocher le poste de Secrétaire Général de l’OIF : l’ancien premier ministre de la République du Congo Henri Lopes, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Maurice et actuel secrétaire général de la Commission de l’océan Indien Jean-Claude de l’Estrac, la journaliste canadienne Michaëlle Jean qui fut également gouverneur général du Canada, le sénateur équatoguinéen Agustin Nze Nfumu et enfin Pierre Buyoya, qui occupe aujourd’hui la fonction de représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel. Du beau monde donc pour une prochaine investiture qui, pour l’anecdote, voit pour la première fois une femme concourir. Mais pour bien comprendre l’enjeu d’une telle élection, il est essentiel de prendre la mesure de ce que représente aujourd’hui la Francophonie.
Selon le dernier rapport de l’Observatoire de la langue française, le monde compterait aujourd’hui 220 millions de locuteurs francophones et on estime que ce chiffre sera de 700 millions en 2050. Créée en 1970, l’OIF regroupe 57 États membres et a pour objectif de « promouvoir la langue française et les relations de coopérations » entre ces nations adhérentes. Une démarche qui répond avant tout à des enjeux culturels mais qui est de plus en plus amenée à peser dans la sphère politique internationale.
C’est d’ailleurs ce que rappelait Abdou Diouf lors de son discours à l’Élysée il y a quelques années : « Nous avons donc bien une partition originale à jouer dans la conception, l’élaboration et la mise œuvre de nouvelles régulations pour une gouvernance politique plus démocratique, tant à l’échelle nationale qu’internationale, pour une gouvernance économique plus équitable et pétrie d’éthique au service du développement durable, pour une gouvernance culturelle véritablement assumée au service de l’égale dignité de toutes et de tous partout, au service de la paix ».
Des candidatures inégales
Aujourd’hui, la Francophonie dépasse le simple regroupement de pays parlant la même langue et devient un véritable renfort du tissu démocratique international. Pourtant, cette évolution ne semble pas être arrivée aux oreilles de tous les candidats à la succession d’Abdou Diouf. Quand Henri Lopes continue de prôner timidement une Francophonie culturelle, la campagne d’Agustin Nze Nfumu est tout bonnement inexistante, difficile donc de se faire une idée sur sa vision de l’OIF. Plus offensifs, Jean-Claude de l’Estrac et Michaëlle Jean défendent une Francophonie économique. Si les deux candidatures ont de quoi rendre la partie musclée, elles pèchent cependant par des lacunes qui pourraient bien leur être fatales.
Le Président de la Commission de l’océan Indien, premier à s’être porté candidat, souffre en effet d’une absence de stature internationale et sait que ce déficit de notoriété pourrait freiner son ascension à la tête de l’OIF. Selon une source diplomatique française, ses chances seraient « très minces », avant d’ajouter : « L’homme est sérieux et apprécié, mais il reste un outsider parce qu’il vient de Maurice ». Une localisation synonyme de rayonnement confidentiel quand le futur Secrétaire Général de l’OIF se doit d’avoir les épaules pour représenter une institution faite de 57 États membres.
Le problème géographique se pose également pour la candidate Michaëlle Jean. Cette Québécoise d’adoption, née à Haïti, séduit les foules et sait comment jouer de son charisme pour donner de l’épaisseur à sa campagne. Femme de culture, elle aurait le potentiel pour donner une nouvelle impulsion à la Francophonie. Or, son absence de connaissance des dossiers menés par l’OIF, particulièrement ceux touchant les pays d’Afrique, sont notoires et l’ancienne animatrice de télévision a beau déclarer à qui veut l’entendre « Je suis à la fois du Nord et du Sud », ces positions peinent à tenir la distance lorsqu’il s’agit de rentrer dans le vif du sujet.
De plus, le poste de Secrétaire Général de la Francophonie est traditionnellement attribué à une personne de nationalité africaine, cela afin de respecter un certain équilibre autour de la table des négociations de la Francophonie. Les grands postes décisionnaires au sein de l’institution sont en effet occupés majoritairement par les pays du Nord et donner la direction de l’OIF à un Africain permet de garantir à l’Afrique un pouvoir à la hauteur du poids qu’elle occupe au sein de la Francophonie (29 des 57 pays membres de l’OIF sont Africains).
L’OIF est « une organisation politique internationale crédible et reconnue », estime Pierre Buyoya
Dans la course à la tête de l’OIF, la candidature de Pierre Buyoya présente de nombreuses qualités. Ancien chef d’État, l’homme a été par deux fois Président de la République du Burundi, Pierre Buyoya jouit d’une crédibilité dans la sphère politique internationale, crédibilité dont a besoin la Francophonie pour confirmer son évolution et qui manque à ses adversaires. « J’ai de l’expérience politique et diplomatique. J’ai aussi une connaissance intime du terrain en matière de paix et de sécurité, ce qui n’est pas forcément le cas de mes concurrents, dont certains n’ont visité que quatre ou cinq pays d’Afrique francophone », déclare l’actuel Président du Panel de haut niveau de l’OIF.
Et lorsqu’on demande à Pierre Buyoya quel accent il souhaite donner à la Francophonie, le candidat balaie les considérations passéistes pour proposer une vision où la Francophonie parviendrait à trouver une place de choix sur l’échiquier mondial : « L’OIF ne doit pas s’occuper seulement de politique, de culturel ou d’économie. L’organisation a évolué : elle n’est plus seulement une agence de coopération, mais une organisation politique internationale crédible et reconnue. C’est sur cet acquis que je compte bâtir ». Une position qui répond donc à des enjeux qui dépassent la langue française et qui a vocation à faire peser l’OIF dans les affaires internationales, discours en prise directe avec la volonté d’Abdou Diouf.
La Francophonie doit aujourd’hui s’organiser afin de transformer l’espace francophone en véritable force culturelle, économique mais aussi politique. L’OIF doit profiter d’un potentiel riche de plusieurs centaines millions de personnes à travers le monde pour accroître son influence et intervenir sur des dossiers plus engageants politiquement. Pour ce faire, le choix du nouveau Secrétaire Général de l’OIF va être décisif et il serait bon de désigner un postulant ayant le profil pour faire entendre la Francophonie sur la scène internationale. Un cahier des charges qui semble convenir pour le moment à un seul candidat.