La percée de l’Extrême-droite est-elle une fatalité ? Non, répond Pippa Morris, universitaire américaine, spécialiste des partis extrémistes. La stratégie de la diabolisation a montré son inefficacité. Dénoncer de manière argumentée la démagogie d’une idéologie qui prospère sur l’irrationnel est la seule méthode féconde. Les partis politiques modérés ne peuvent plus évincer leurs concurrents extrémistes du débat. Voici quelques stratégies pour affaiblir les courants d’Extrême-droite.
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Quelle stratégie les partis modérés peuvent-ils adopter pour contrer les partis de la Nouvelle Extrême-droite ? Certainement pas celle de l’ostracisation, qui ne fait que victimiser et augmenter l’impact de ces partis. Voici quatre règles d’or inspirées par les travaux de Pippa Morris, universitaire américaine auteur de Radical Right: Voters and Parties in the Electoral Market, spécialiste de l’étude sur les politiques extrémistes.
Première règle : dévoiler les incohérences et les failles des discours extrémistes
La décrédibilisation est l’outil simple et efficace que les autres partis politiques ont en main pour éviter l’augmentation de l’audience des partis de la Nouvelle Extrême-Droite (NED).
Par l’argumentation, les débats médiatisés, les hommes et femmes politiques peuvent accroître leur propre légitimité à gouverner, tout en déstabilisant celle que les candidats d’extrême-droite prétendent avoir.
Deuxième règle : montrer leur illégitimité à gouverner
Aux Pays-Bas, par exemple, le fiasco qu’avait été la coalition avec le Parti de droite radicale de Pim Fortuyn en 2002 a montré que le succès d’un parti de la NED ne signifie pas qu’il est apte à gouverner.
En Suisse, la « formule magique » du gouvernement à 7 têtes (composé des représentants des 4 plus grands partis) permet le bon déroulement de la coalition avec le SVP, mais la Suisse a une configuration très particulière, difficilement transposable à un autre pays européen.
En France, le succès du FN n’est pas un signe de confiance, quant à sa capacité à prendre des responsabilités politiques. Les expériences de gestion politique locale du parti de Marine Le Pen ont été soldés par des échecs cuisants. En effet la NED attire sur un certain nombre de thématiques que nous avons définies. Mais elle laisse un blanc sur tout un tas de problèmes que n’importe quel homme politique en fonction doit envisager : engagements internationaux, interdépendance économique… C’est pourquoi il est indispensable pour les partis politiques modérés de banaliser ces candidats de la NED, de discuter avec eux des sujets sur lesquels ils forgent leur fausse légitimité, ainsi que des sujets qu’ils évitent.
Troisième règle : éviter l’affrontement, provoquer la confrontation avec le réel
Aucune discussion frontale n’est nécessaire, car elle ne ferait qu’ accroître leur aura. Pas de débat sur les valeurs, mais purement sur les faits, sur les failles dans leurs discours. Les dirigeants des groupes politiques ne doivent pas montrer qu’il y a une incompatibilité avec les partis de la NED, argument avancé par ces derniers en permanence, mais tout simplement une différence de professionnalisme.
Quatrième règle : briser les tabous
Autrement dit, la stratégie ne doit pas consister à donner aux partis extrémistes des outils pour se victimiser et faire écho à leur propagande. Pour cela, les partis de droite, comme de gauche, doivent aussi aborder les questions difficiles, trop souvent négligées car jugées trop hasardeuses : l »identité nationale, la compatibilité des cultures et des religions, par exemple.
En bref, ne leur laisser aucun monopole dans le spectre politique, aucun manque. Plus ils seront obligés d’adopter une stratégie centrifuge, moins ils n’auront de succès. C’est la thèse avancée par Pippa Norris, experte dans l’analyse de la NED. Cela ne veut pas dire qu’il faille intégrer des idées d’extrême-droite mais au contraire, récupérer la plate-forme sur laquelle ils forgent leur succès.
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