Alexeï Navalny devait passer les cinq prochaines années de sa vie dans un camp d’enfermement en Russie. Mais face à la mobilisation qu’a suscité sa condamnation, la justice a décidé la liberté surveillée jusqu’au procès en appel de l’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine.
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La sentence est tombée sans grande surprise, l’opposant numéro 1 en Russie a été condamné, jeudi 18 juillet à cinq ans de camp. Dans la salle d’audience, Alexeï Navalny a été menotté et arrêté immédiatement compte tenu, selon les termes du juge, de la « gravité du crime » et du « danger qu’il représente pour la société ».
Le soir même, cette condamnation jugée « politique » par de nombreux opposants au pouvoir a suscité de vastes manifestations qui ont conduit à l’arrestation de 200 militants. Face à cette mobilisation, la justice a décidé de placer Alexeï Navalny en liberté surveillée, et ce jusqu’à la tenue de son procès en appel.
Sentence : cinq ans de camp
Alexeï Navalny a été reconnu coupable dans une affaire de détournement de fonds, une affaire que l’opposant juge construite de toute pièce contre lui.
« Le tribunal a établi que Navalny a organisé cet acte criminel et a dirigé la mise en œuvre de ce détournement à grande échelle », a ainsi déclaré le juge, à l’issue d’un procès qui a commencé le 17 avril dernier.
A 37 ans, Alexeï Navalny est accusé d’avoir détourné 16 millions de roubles (400 000 euros) en 2009, au détriment d’une exploitation forestière.
Alexeï Navalny n’aura pas eu le droit au bénéfice du doute et malgré les témoignages en sa faveur, la justice aura retenu la culpabilité de l’opposant.
Pour ce dernier, qui s’est souvent exprimé sur Twitter ou à travers la presse durant ces dernières semaines, l’affaire ne fait aucun doute, c’est Vladimir Poutine qui a donné « personnellement des instructions aux enquêteurs ».
Une carrière dans le militantisme anti-corruption
Une « vengeance politique » : c’est également ainsi qu’a qualifié ce verdict Alexeï Navalny, devenu depuis 2011 une des figures de la contestation au pouvoir russe pour avoir fait de la corruption en Russie son cheval de bataille.
Les autorités « qui m’appellent voleur […] sont des escrocs qui ont peur parce que je veux les balayer des postes où ils volent des milliards », a-t-il expliqué lors d’un entretien à MK.
Né le 4 juillet 1976, Alexeï Navalny est diplômé de Yale. En Russie, il se fait connaître par son activisme politique mené à travers son blog Navalny et par l’intermédiaire du site Rospil. Sur ces sites, il dénonce la corruption des autorités et vise particulièrement le parti politique du président Vladimir Poutine et de son Premier ministre Dmitri Medvedev, Russie Unie.
Parmi ses grandes révélations, Alexeï Navalny a accusé, en 2010, l’entreprise Transneft d’avoir détourné 2,9 milliards d’euros pendant la construction d’un oléoduc en Sibérie.
Cet avocat spécialisé dans la traque de la corruption s’est également attaqué au député Vladimir Pekhtine, qui aurait dissimulé au Fisc des villas en Floride, au gouverneur de Pskov, dont la femme aurait également une villa non-déclarée en Provence.
Le 14 mars dernier, c’est le sénateur Vitali Malkine qui était la cible des foudres d’Alexeï Navalny pour la découverte de bureaux commerciaux non déclarés au Canada.
« Il ne s’agit pas seulement de trouver des infos mais de tordre le bras du pouvoir. On pense souvent que c’est un travail romantique. En fait, c’est un travail routinier fait par des gens devant des ordinateurs », a-t-il un jour déclaré à des journalistes du Monde.
Une longue bataille contre Russie Unie
Surnommé « l’Erin Brokovitch russe » par le magazine Time, il a également été désigné, en 2009, personnalité de l’année par le quotidien économique Vedomosti. La BBC le décrit, en 2011 comme étant « probablement le seul réel opposant politique à avoir émergé en Russie ces cinq dernières années ».
Ce n’est pas la première visite d’Alexeï Navalny en prison. En février 2011, lorsque de nombreux opposants sont descendus dans la rue pour contester le déroulement des élections législatives, Alexeï Navalny qui parle alors du « parti des escrocs et des voleurs » pour qualifier Russie Unie, est emprisonné pendant 15 jours.
Dès sa sortie, il poursuit son combat contre le pouvoir en place et appelle les Russes à se mobiliser pour que Vladimir Poutine ne soit pas élu président en 2012.
« Ne vous laissez pas aller, ne restez pas inactifs »
Il retourne en prison en mai 2012. Vladimir Poutine est alors élu président et succède à son actuel Premier ministre Dmitri Medvedev.
A sa sortie de prison, il est élu au conseil d’administration de la société Aéroflot. Certains, en Russie, se demandent alors si les autorités ne lui ont pas proposé ce poste pour le faire taire. Pourtant, le mois suivant, en juillet, les autorités russes se penchent sur le cas d’Alexeï Navalny.
Il est alors accusé de vol à grande échelle en raison des lourdes pertes financières d’une société publique d’exploitation forestière. Il encourt dix ans de prison mais ce sont cinq années de camp qui seront retenues.
Cinq années durant lesquelles il espère bien voir la Russie se lever contre le pouvoir. Lorsqu’il sera sorti de son camp, si la justice ne décide pas d’une autre condamnation, une nouvelle élection présidentielle aura animé la Russie. Et comme un dernier message aux Russes prêts à se lancer dans l’opposition, le dernier message d’Alexeï Navalny dans la salle du tribunal aura été : « Ne vous laissez pas aller, ne restez pas inactifs ».