Les séparatistes prorusses ont remis les boîtes noires du vol MH17 aux enquêteurs de la Malaysia Airlines. Mais quelles informations peuvent-elles contenir? Entretien avec Xavier Tytelman, ancien aviateur militaire, spécialiste de la sécurité aérienne et membre du Centre de Traitement de la Peur en Avion.
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Un Malaisien tient un papier avec un message de soutien aux familles des victimes du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Crédit : Shutterstock
JOL Press : Est-ce possible que les séparatistes prorusses aient déjà exploité les données des deux boîtes noires?
Xavier Tytelman : Non, les données sont cryptées et c’est extrêmement compliqué à gérer et à lire. S’ils avaient la capacité de les lire ils ne les auraient pas données, mais de toute façon, ils ne peuvent pas les ouvrir et exploiter ce qu’il y a dedans. C’est de toute manière impossible de modifier les informations contenues dans les boîtes noires.
Il en existe deux types : un fichier audio avec toutes les conditions dans le cockpit qui ne devraient rien nous apprendre puisque les pilotes n’avaient pas de moyens de savoir qu’ils se faisaient tirer dessus. Ensuite, il y a les informations techniques. Une boîte noire enregistre environ un millier de paramètres, ce qui va permettre de savoir où l’avion a été touché et ce qu’il s’est passé ensuite, c’est à dire si l’avion s’est cassé en deux, s’il a continué à planer, etc…
JOL Press : Est-ce vraiment primordial de savoir quelle partie de l’avion a été touchée ?
Xavier Tytelman : Oui parce que cette information a plusieurs impacts. Déjà, si le missile a frappé le dessous de l’appareil, il vient du sol, si c’est l’arrière cela voudrait dire que c’est un avion de chasse comme l’affirment les séparatistes. Ensuite on peut déterminer si c’est un missile cinétique, c’est-à-dire qui « cogne » dans l’avion, un missile qui explose, ou un missile qui va tirer une sorte de pluie de projectiles de métal au moment de l’impact pour avoir le plus de chances de toucher sa cible. Donc on pourrait savoir le type de matériel qui a été utilisé pour abattre l’avion.
JOL Press : Beaucoup affirment qu’un missile Buk aurait été utilisé, qu’en pensez-vous ?
Xavier Tytelman : Le Buk est un système d’arme qui comprend trois modules : le système de tir, de radar et les missiles. Il nécessite 6 ou 8 personnes qui travaillent ensemble. En fonction du missile et de la charge, on pourra savoir si ce sont les Russes ou les Ukrainiens qui étaient à l’origine.
JOL Press : Un avion de ligne a-t-il un moyen de défense face à un missile ?
Xavier Tytelman : Aucun. Il y a deux types de missiles : ceux guidés par la chaleur et ceux guidés par radar. Dans le cas du vol MH17, il s’agit d’un missile guidé par radar, c’est donc un coup direct au but et l’avion n’a aucun moyen de l’identifier. Dans le cas d’un missile guidé par la chaleur qui est conçu pour frapper à basse altitude, il frappe l’avion à l’arrière au point le plus chaud là où se rejoignent les gaz d’échappement derrière.
JOL Press : Dans l’hypothèse où les prorusses ont tiré ce missile, pensez-vous qu’ils ont reçu l’aide de la Russie ?
Xavier Tytelman : Si on part du principe que ce sont les prorusses qui ont tiré, c’est absolument impossible qu’ils l’aient fait sans l’aide d’un Etat. Il faut un entraînement particulier et qu’ils aient l’habitude de travailler ensemble. Et le matériel lui-même demande un entretien très important et spécifique. Ce n’est pas un appareil qu’on peut acheter au marché noir, mettre sur l’épaule et utiliser comme un lance-roquette.
JOL Press : Votre association (Le Centre de Traitement de la Peur en Avion) aide à lutter contre la peur en avion, j’imagine que ce nouveau crash ne doit pas aider ceux qui en souffrent à la surmonter ?
Xavier Tytelman : Pas vraiment parce que c’est rationnel, c’est-à-dire que l’on sait pourquoi l’avion s’est crashé. Ce qui fait peur aux gens en avion est l’imprévu, un problème technique ou un orage qui cause le crash. Si l’on dit que l’avion s’est explosé en plein vol sans raison apparente, beaucoup de gens seraient terrifiés à l’idée de voyager. Par exemple c’était le cas du vol Rio-Paris en 2009, où les raisons de l’accident ont été connues bien plus tard.