Le conte magique et réaliste d’Alberto Sciamma
Originaire de Barcelone et formé en Angleterre, Alberto Sciamma a parcouru un chemin unique dans le cinéma pendant les trois dernières décennies, en s’orientant vers des thèmes excentriques et des mélanges de genres qui se révélaient souvent plus captivants en théorie qu’en pratique. Après plusieurs tentatives pas tout à fait réussies avec des films comme « Killer Tongue », « Black Plague », « Jericho Mansions », « Bite » et « I Love My Mum », il obtient un succès inattendu avec « Cielo », une production britannique tournée en Bolivie.
L’exercice de réalisme magique en espagnol sur le voyage bizarre d’une jeune fille à travers le pays s’apparente à une version plus douce et plus gentille des récits fantastiques de Jodorowsky. Malgré quelques défauts, le film offre une ambition considérable, une beauté esthétique et un charme doux-amer, touchant un large public de manière surprenante. C’est à la fois le film le plus doux du réalisateur-scénariste et de loin son œuvre la plus accomplie.
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« Cielo » commence dans un désert aride avec une série de chocs : d’abord, une jeune fille attrape un poisson sur la berge d’une rivière, l’avale d’un seul coup grotesque et s’évanouit. Ensuite, elle tue son père constamment ivre et abusif (Juan Carlos Aduviri) en lui disant « Je t’aime, papi ». Cette mort est une source de joie pour sa mère (Carla Arana), que la petite Santa (Fernanda Gutierrez Aranda) tue également, apparemment avec le consentement de l’adulte.
Le corps de la mère est ensuite placé dans un baril en plastique salé pour sa conservation, et chargé sur une charrette que la fille est prête à tirer jusqu’à la mer lointaine. Les enseignements de l’église, la superstition et les visions ont convaincu notre héroïne que elle et sa chère maman ne peuvent échapper à la misère de leur vie qu’en atteignant le paradis d’une manière ou d’une autre. Peu importe le scepticisme rencontré en route, la jeune Santa, précoce et sûre d’elle, est convaincue qu’elles y arriveront, la mortalité n’étant qu’un inconvénient temporaire à surmonter dans la vie éternelle.
Cela pourrait ressembler à une allégorie chrétienne pieuse d’une autre époque. Entre les mains de Sciamma, cela prend les traits de la malice de Bunuel et de son doute, sans toutefois son mépris ouvert pour la religion organisée. Le prêtre local (Luis Bredow) est une figure sympathique, tout comme le chef de la police Gustavo (Fernando Arze Echalar). Initialement réticents, les deux hommes deviennent des convertis à la cause de Santa après avoir été témoins de miracles apparemment générés par sa présence. Cependant, elle fait plus confiance à un bus rempli de lutteuses itinérantes qui lui proposent un transport après une panne du camion qu’elle avait emprunté au prêtre. Santa suscite des sentiments parentaux protecteurs chez ces adultes, en particulier chez la lutteuse La Reina (Sasha Salaverry). Toutefois, elle est principalement conseillée par le poisson qu’elle a avalé au début – apparemment un guide spirituel, bien qu’elle en garde également un autre dans un seau d’eau, juste « pour la compagnie ».
« Cielo » (c’est-à-dire « ciel ») regorge d’humour surréaliste, bien que le récit errant ne s’éloigne jamais trop d’un sens de la cruauté du monde réel. Santa est à la fois protégée par une foi innocente et tristement expérimentée au-delà de ses années, une conception de personnage qui pourrait facilement devenir écoeurante ou agaçante dans des circonstances moins chanceuses. Mais Sciamma ne maintient pas seulement un équilibre tonal très délicat, il dispose également d’une jeune actrice (Aranda avait seulement 8 ans pendant le tournage) dont la maturité remarquable semble innée plutôt que forcée. Les autres acteurs apportent des notes efficaces de chaleur et de comédie, bien qu’Echalar force parfois le trait sur l’émerveillement larmoyant que ce film prend soin de ne pas pousser trop fort.
Digressif mais jamais ennuyeux, « Cielo » menace parfois de perdre son propre fil. Mais une logique interne fonctionne, maintenant la croyance du public qu’une destination tangible est à venir. Même si ce n’était pas le cas, le chemin serait un plaisir sensoriel : la cinématographie en écran large d’Alex Metcalfe, qui a remporté des prix à Fantasia et Fantosporto, trouve des couleurs vives et des compositions partout. Des paysages spectaculaires aident certainement, alors que l’histoire traverse des plaines andines poussiéreuses, des routes de montagne périlleuses jusqu’à la capitale La Paz. Avec une aide occasionnelle d’effets numériques pour des moments plus fantaisistes, ils acquièrent tous ici une sensation d’un autre monde, même les épisodes de tragédie violente étant adoucis par une atmosphère de conte de fées. Les contributions sonores sont également audacieuses, largement réparties entre des éléments de partition originaux très différents créés en Bolivie et en Angleterre par les compositeurs Cergio Prudencio et Dave Graham, respectivement.
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Marc Lefebvre est un économiste et journaliste, expert en macroéconomie et marchés financiers mondiaux.