Critique de « Eat the Night » : Un MMORPG en déclin évoque l’apocalypse dans un drame queer français émouvant.

Le Manque de Dimension dans le Réel et l’Esthétique des Jeux Vidéo

Le récit dans la réalité manque souvent de profondeur, mais Caroline Poggi et Jonathan Vinel, pour leur deuxième long-métrage, parviennent à s’imposer grâce à l’esthétique particulière des jeux vidéo et l’engagement des jeunes dans ces univers.

Depuis plus d’un demi-siècle, les jeux vidéo ont acquis une ubiquité culturelle, surpassant peut-être le cinéma narratif actuel. Il est donc surprenant que le cinéma continue souvent de représenter le jeu de manière superficielle, comme de simples distractions, plutôt que de montrer comment un jeu capte ou retient l’attention. Caroline Poggi et Jonathan Vinel évitent ces raccourcis dans leur thriller « Eat the Night ». Bien que l’histoire principale tourne autour d’une guerre de territoires entre petits trafiquants de drogue, ce film français lancé à Cannes trouve ses émotions intenses dans le domaine numérique, avec de longues séquences dans le jeu suivant une adolescente cherchant à fuir le monde sombre qui l’entoure.

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Au seuil de l’âge adulte, la pâle Apolline (Lila Gueneau) passe ses journées dans les terres de « Darknoon », un jeu en ligne massivement multijoueur rappelant « World of Warcraft ». Avec l’épée surdimensionnée et l’armure de combat ridiculement légère de son avatar, Apolline enchaîne les quêtes sans quitter sa chambre. Son frère aîné homosexuel, Pablo (Théo Cholbi), se connecte parfois pour jouer également. Lorsqu’il part au travail, il monte sur sa moto trop voyante pour vendre des bonbons MDMA contre de l’argent. Un jour, Pablo recrute un jeune homme noir nommé Night (Erwan Kepoa Falé) comme partenaire commercial, et bientôt après, les deux commencent une liaison.

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Cette première partie de « Eat the Night » peut sembler purement esthétique. Falé et Cholbi trouvent des nuances subtiles dans leur interaction, mais les acteurs ne partagent pas une chimie ardente qui pourrait déclencher une romance passionnée et vouée à l’échec ; leur premier baiser est quelque peu précipité. Pendant ce temps, la vie familiale d’Apolline et Pablo n’est pas développée au-delà d’une impression morose. (Leur père bougon, relié à une bouteille d’oxygène dans une autre pièce, est surtout une absence structurante.) Mais à travers tout cela, il y a l’horloge qui tourne de « Darknoon », qui prévoit de fermer ses serveurs après 20 ans en ligne. Le monde est sur le point de se terminer pour Apolline, et cette peur colore également la vie de Pablo et Night.

Il n’est pas anodin que les événements à l’intérieur de « Darknoon » soient souvent plus captivants que la bataille criminelle œil pour œil qui engloutit Pablo et Night. Le contraste a un but, mais cela ne cache pas quelques longueurs. Le film retrouve sa confiance dramatique à mesure que « Darknoon » devient plus central dans l’histoire, avec Night rejoignant le serveur dans ses derniers jours pour se rapprocher (mais involontairement usurper l’identité de) Apolline méconnaissante.

Dans un choix audacieux qui risque la vallée de l’étrange, « Eat the Night » remplace occasionnellement les visages des avatars dans le jeu par des traits plus expressifs et réalistes qui ressemblent à ceux des acteurs. C’est un risque stylistique qui vaut bien la récompense. L’union malaisée des mondes parallèles établit un nouveau terrain esthétique : un lieu où les émotions étouffées peuvent être complètement clarifiées, non seulement pour les spectateurs mais aussi pour les personnages eux-mêmes.

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Poggi et Vinel utilisent habilement les styles et la physique parfois défaillante des jeux vidéo pour des fins encore plus mélodramatiques. Un meurtre sanglant et une réapparition instantanée servent à la fois d’expression cathartique de la rage et de blague décalée. Et une scène tardive, avec des avatars criant et se cherchant parmi d’autres joueurs, donne de la grandeur à la lutte à petite échelle de cette histoire. Après tout, Apolline quitterait-elle jamais la maison pour être dans une foule en premier lieu ? Plus précisément, une production indépendante comme « Eat the Night » pourrait-elle se permettre des centaines de figurants ?

Même alors que le récit principal s’intensifie vers une violence endurcie, Poggi et Vinel prennent soin de maintenir une certaine délicatesse (une bande-son fluctuante du musicien électronique Ssaliva est ici une force directrice). Leur film est un cri pour les enfants laissés à eux-mêmes — littéralement dans le cas du volumineux ordinateur portable de jeu Alienware d’Apolline. Comme le dit Apolline, « Darknoon » n’a pas vraiment d’autre objectif que de « s’améliorer », alors que devient quelqu’un lorsque toute son amélioration personnelle est effacée ? Même à travers un scénario mince, « Eat the Night » mérite ses rayures noires en plongeant dans cet abîme.

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