Militantropos : un documentaire anti-guerre austère et passionné défend l’Ukraine !

Présentation à Cannes d’un documentaire ukrainien

Le nouveau documentaire ukrainien de Yelizaveta Smith, Alina Gorlova et Simon Mozgovyi, présenté à Cannes, adopte une perspective anthropologique pour explorer le quotidien de la guerre, sa gestion et sa représentation cinématographique.

Dans une ambiance sombre où la fumée grise se mêle aux nuages menaçants, des citoyens ukrainiens au visage grave scrutent le ciel, les bras croisés. Cette entrée en matière visuelle pour « Militantropos », dirigé par Yelizaveta Smith, Alina Gorlova et Simon Mozgovyi, pourrait être confondue avec celle d’un film catastrophe d’Hollywood, bien que nettement plus sombre et sérieuse. Peu après, nous nous retrouvons dans une gare où des foules, valises et enfants en main, sont évacuées de Kviv vers Vienne, installant le décor d’un drame émouvant. Puis, un plan rapproché montre un bulldozer qui retourne des décombres où l’on aperçoit une photo de famille déchirée, symbole poignant de ce qui a été perdu.

Les créateurs de « Militantropos » semblent pleinement conscients de la manière dont les images symboliques de la guerre ont été empruntées ou appropriées par le cinéma. Leur film nous ramène à ces images originales. Le néologisme qui titre le film, créé spécifiquement pour celui-ci, est défini à l’écran comme « une persona adoptée par les humains lorsqu’ils entrent en état de guerre ». Ces réflexions textuelles reviennent périodiquement et s’insèrent dans une boîte à outils de techniques qui rapproche ce documentaire de travaux expérimentaux formels, malgré un sujet qui pourrait laisser attendre une approche plus conventionnelle.

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Écrit en collaboration avec Maksym Nakonechnyi, réalisateur du drame sombre « Butterfly Vision », « Militantropos » examine à plusieurs reprises l’effet de la guerre sur les enfants. La bulle de protection qu’un parent essaie de construire pour son enfant est toujours temporaire, car l’illusion d’un monde globalement bienveillant ou même magique doit inévitablement être déconstruite — mais que cette déconstruction soit une partie gérée progressivement de la croissance ou la conséquence rapide et brutale d’événements hors de contrôle des parents est ici illustrée avec une urgence poignante.

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Une école où les enfants ont été forcés de rester, avec des dessins sur les murs – certains normaux, d’autres représentant des bombardements – offre un sentiment de lieu ancré dans les enfances horrifiques vécues par les jeunes Ukrainiens. L’intérêt anthropologique du film pour la façon dont les personnes sont façonnées par une immersion continue dans un état de guerre est ressenti de manière à la fois profondément personnelle et avec un détachement analytique. Cela résulte peut-être en partie du fait qu’il a été dirigé par un groupe : il y a un équilibre et une attention qui sont probablement le résultat d’une collaboration et d’un dialogue entre trois réalisateurs-éditeurs, également connus sous le nom de Collectif Tabor.

On peut imaginer que certaines de ces discussions ont porté sur l’éthique de l’esthétisation de la guerre. C’est certainement un point de discussion pertinent ici. Les belles images d’une chose laide risquent-elles de rendre cette laideur acceptable ? C’est une version très spécifique du débat ancien sur le fait que le cinéma tend à glamouriser ce qu’il dépeint. Dans le cas de « Militantropos », il est important de considérer qui dépeint : les personnes vivant la réalité de la guerre sur une longue période ont sans doute le droit de découvrir la beauté là où elles la trouvent. L’espoir naît dans des lieux improbables, y compris dans un bosquet de cerisiers en fleurs qui emplit l’écran vers la fin du documentaire.

Malgré ses qualités esthétiques, « Militantropos » capture finalement la monotonie de l’engagement militaire : les gris sans vie et les kakis atténués, une palette dépouillée de toute vie et humanité. De manière cruciale, lorsque les armes à feu et les bombes explosent, le documentaire évite le langage cinématographique : les réalisateurs ne zooment pas pour un plan au ralenti du visage d’un homme qui grimace alors qu’il meurt. Il n’est pas toujours facile de comprendre ce qui s’est passé, et aucun dispositif à l’écran ne nous aide à nous orienter dans la mission. Il se pourrait même qu’il n’y ait pas de mission, alors que le sentiment de destruction intermittente sans sens reste palpable tout au long de « Militantropos ».

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