Le Coup d’Envoi de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes
La section de la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes a débuté avec une oeuvre conjointe remarquable centrée sur un adolescent perplexe qui se prend d’affection pour un collègue ukrainien.
Le film « Enzo » s’ouvre et se conclut par un générique peu commun. Il annonce : « Un film de Laurent Cantet » suivi de « Réalisé par Robin Campillo » (en français, naturellement). Cantet, décédé en avril 2024 des suites d’un cancer, n’a pas pu diriger ce qui allait devenir son dernier long-métrage — un drame subtil mais perspicace sur un jeune Français de 16 ans, Enzo, qui se heurte à l’éducation protégée qui lui devient chaque jour plus étrangère. Ainsi, son collaborateur de longue date, Campillo, a pris les rênes pour concrétiser la vision de Cantet.
Le résultat est une fusion magnifique des sensibilités des deux cinéastes — l’un hétérosexuel (Cantet) et l’autre homosexuel (Campillo) — brouillant les pistes et rendant d’autant plus captivante l’attraction sexuelle ambiguë entre Enzo (Eloy Pohu), âgé de 16 ans, et Vlad (Maksym Slivinskyi), l’ouvrier ukrainien d’une vingtaine d’années qui le fascine. « Enzo » est empreint de tension homoérotique, bien que l’engouement du personnage principal ne se développe jamais suffisamment pour être catégoriquement qualifié de « film gay ». La subtilité de ce sous-texte s’avère infiniment plus fascinante, laissant à chaque spectateur une interprétation différente.
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« Enzo » représente un choix poignant pour la soirée d’ouverture de la section Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, surtout compte tenu du précédent triomphe de Cantet, lauréat de la Palme d’Or pour « Entre les murs » en 2008. « Enzo » se démarque, ni tout à fait comme une histoire de coming out, ni comme un récit initiatique classique. Avec le jeune acteur Eloy Pohu dans le rôle-titre, le film, tout en retenue, se concentre sur les luttes maladroites et parfois contradictoires d’un adolescent pour se définir en dehors de la vie relativement privilégiée que son père médecin (Pierfrancesco Favino) et sa mère infirmière (Élodie Bouchez) lui ont offerte.
Alors que son frère aîné se prépare pour l’université, Enzo décide qu’il en a assez de l’académie. Le jeune homme veut travailler manuellement. Toutefois, à en juger par les ampoules négligées sur ses jointures et paumes, Enzo ne semble pas très doué pour cela — à tel point que son superviseur l’emmène un jour chez lui pour parler avec ses parents, surpris de découvrir qu’Enzo vit dans une maison luxueuse avec vue sur l’océan et piscine privée.
Cantet est surtout connu du public international pour « Entre les murs », qui a marqué l’expression la plus claire de son intérêt de longue date pour les thèmes de la race, de la classe et des divers obstacles auxquels certains adolescents sont confrontés pour trouver leur voie dans la société française, où les opportunités sont nombreuses mais où l’embarras du choix peut parfois sembler paralysant. C’est un thème récurrent dans les films de Cantet que d’observer des adolescents luttant contre leurs propres intérêts, et à cet égard, « Enzo » ressemble davantage à son drame peu vu de 2017, « L’Atelier ».
Où moins indulgents que Cantet pourraient voir ses personnages comme non exceptionnels et peut-être même comme des causes perdues, ce chroniqueur humaniste de la vie moderne se soucie tellement de ces âmes fictives que nous ne pouvons nous empêcher de nous sentir investis dans leurs destins (rendus d’autant plus réels par la préférence de Cantet pour le casting de non-professionnels). En un sens, le sentiment dominant que l’on ressent en regardant « Enzo » est celui de l’inquiétude, partagée par le père du garçon, qui respecte le désir de son fils de tracer sa propre route, même s’il se sent insulté par le rejet violent d’Enzo de leur réussite.
Qu’est-ce qui provoque exactement cette tourmente chez Enzo ? C’est le mystère au cœur du film, et ni Campillo ni Cantet ne semblent particulièrement motivés à répondre. Au lieu de cela, ils nous laissent l’analyse à nous. Enzo n’est guère unique dans sa rébellion contre son éducation. Pratiquement tous les adolescents font cela dans une certaine mesure, bien qu’Enzo manque d’un modèle approprié pour lui montrer une alternative.
Le film commence sur le chantier où le jeune homme a du mal à suivre ce qui semble être des responsabilités plutôt modestes, révélant un manque d’engagement de sa part. Et pourtant, il montre une certaine camaraderie avec l’équipe, se rattachant notamment à Vlad. Ce Ukrainien fanfaron se vante constamment de ses conquêtes féminines, ce qui intrigue Enzo, qui a lui-même une petite amie. À travers Vlad, Enzo découvre une attraction inattendue, intensifiée par la réalité politique que Vlad a fui chez lui.
Cela impressionne Enzo qu’une figure aussi virile puisse admettre avoir peur de la guerre, ce qui éveille chez le garçon une frustration très réelle bien que légèrement floue — envers l’apathie des autres, son propre confort ou les désirs indéniables en lui. Choisissez. Au-delà du front plissé de Pohu, peu de choses indiquent ce qu’Enzo ressent. Pourtant, il y a quelque chose d’universel et incroyablement actuel dans cet aspect de sa lutte, alors que les jeunes du monde entier sont confrontés aux dimensions morales des conflits en Ukraine, à Gaza et en Syrie, tandis que leurs parents et pairs ne partagent pas nécessairement leur passion.
« Enzo » reflète comment un rebelle sans cause trouve quelque chose qui lui tient à cœur, si vous voulez. Dans le cas d’Enzo, son engagement est mélangé à une infatuation dont il ne sait pas trop comment la traiter, ce qui est en partie expliqué par un appel téléphonique aussi émouvant que celui qui clôt « Call Me by Your Name ». Enzo n’est peut-être pas très brillant en termes scolaires, mais il est bien plus sensible que sa famille ne semble le réaliser, et il y a une certaine ironie à la façon dont ce film nous demande d’intellectualiser quelqu’un qui fonctionne par instinct, trébuchant vers une meilleure compréhension de lui-même.
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Marc Lefebvre est un économiste et journaliste, expert en macroéconomie et marchés financiers mondiaux.