Portrait de Famille Déformé: ‘The Safe House’ relie Mai 68 à la Seconde Guerre Mondiale

Une dernière représentation mémorable de Michel Blanc dans une adaptation de Lionel Baier

L’adaptation par Lionel Baier du roman de Christophe Boltanski, bien que principalement narrative, offre une ultime performance touchante de la légende française Michel Blanc. Le film, intitulé « La Maison Sûre », se déroule durant la révolution de Mai 68 à Paris et se présente comme un portrait familial humoristique qui, malgré une multitude d’idées, peine à trouver une réelle cohérence.

Le film, basé sur le roman biographique récompensé par le Prix Femina de Boltanski, nous rappelle souvent son origine littéraire par des commentaires en voix off de l’auteur. La narration moderne et rapide, accompagnée de projections arrière volontairement évidentes, révèle progressivement des aspects plus émouvants alors que l’histoire familiale commence à se dévoiler. Cependant, les éléments politiques et personnels abordés restent peu impactants.

Bien que la famille Boltanski soit au cœur du scénario, « La Maison Sûre » les rend anonymes et modifie légèrement certains détails de l’histoire tout en conservant la prémisse générale: une saga se déroulant en marge d’une des manifestations les plus cruciales de l’histoire moderne de la France. L’histoire est d’abord racontée à travers les yeux d’un garçon de neuf ans (Ethan Chimienti), censé représenter Boltanski lui-même. Toutefois, malgré ce prétexte narratif, le film s’éloigne souvent du point de vue du personnage, minimisant même la performance dynamique de Chimienti au profit d’une narration plus dispersée et moins centrée sur la dynamique familiale.

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Dès les premières scènes, nous faisons connaissance avec les oncles entreprenants du garçon — le plus jeune (Aurélien Gabrielli), artiste visuel, et l’aîné (William Lebghil), universitaire — ainsi que ses grands-parents excentriques (Michel Blanc et Dominique Reymond), et son arrière-grand-mère flamboyante (Liliane Rovère), immigrée d’Odessa. Bien que l’origine juive de la famille devienne un point central dans la seconde moitié du film, elle n’est mentionnée que sporadiquement au début, à travers des allusions vagues et les mépris des voisins hautains.

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L’énergie initiale du film, qui rappelle le style distant de Jacques Tati, offre juste assez de prise pour l’histoire, avant que les politiques plus larges en arrière-plan ne détournent les parents du jeune garçon (Adrien Barazzone, Larisa Faber) de leur cadre domestique. Ils sont, malheureusement, peu présents dès le début, tout comme la maison exiguë qu’ils partagent. La voix off insiste sur son importance en tant que lieu physique, mais la caméra peine à la capturer avec un sentiment d’espace, de dynamisme ou de détail.

Le film traite les événements de Mai 68 comme une toile de fond lointaine, indiquant un désintérêt pour le politique, ou du moins une réflexion politique exprimée par des non-confrontations ironiques. Cependant, « La Maison Sûre » réussit à établir les bases d’un drame puissant autour des événements, sans pour autant se concentrer sur ses spécificités. L’histoire familiale sous l’occupation nazie est d’abord évoquée à travers le PTSD apparent du grand-père (un élément qui apparaît aussi soudainement qu’il disparaît) et à travers des flashbacks qui établissent de faibles parallèles entre les deux périodes. Ce qui semble les relier n’est que le mouvement de l’histoire — l’idée que « quelque chose » se passe, même si aucune des périodes n’est représentée avec un sens d’histoire plus large ou de signification personnelle intime.

Alors que le film se déroule à distance de ses personnages, Baier parvient au moins à évoquer les esprits du passé à travers certaines de ses performances. Blanc, dans son dernier rôle à l’écran, est particulièrement émouvant. Pourtant, l’histoire familiale est rarement ancrée par cette histoire hantée. Les moments où 1968 semble véritablement liée aux années 1940 sont rares, et même l’apparition fantasmagorique d’une figure clé de la Seconde Guerre mondiale ne parvient pas à matérialiser ces connexions.

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Le film introduit une malice et procède avec un sentiment de circonstance sombre. Cependant, ces deux aspects ne sont véritablement reliés que par la bande sonore riche en jazz de Diego Baldenweg, Nora Baldenweg et Lionel Baldenweg, où des sons familiers changent de ton. Visuellement et thématiquement, « La Maison Sûre » ne parvient pas à être à la hauteur de ses allusions à une narration sonore accomplie, et saute trop souvent entre les modes d’expression, sans parvenir à capturer pleinement le poids de l’expérience et le fardeau de la mémoire personnelle et culturelle.

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