La chute récente du régime syrien suite aux événements du 7 octobre marque un tournant historique, notamment pour ceux qui ont enduré des années de tyrannie. Cet événement revitalise également les désirs de changement dans toute la région, selon le co-rédacteur en chef du journal libanais « L’Orient-Le Jour ».
Notre région a été le théâtre de violences incessantes depuis des décennies, avec des massacres récurrents, des répressions brutales, des déplacements forcés et des tortures systématiques. L’histoire a été broyée, des cités ancestrales détruites, et seule la loi du plus fort semblait prévaloir, dans un contexte d’impunité totale. Le monde arabe semblait mort, avec la Syrie comme tombe et Gaza comme dernier coup de marteau.
Pourtant, contre toute attente, un vent d’espoir semble se lever.
Un régime parmi les plus meurtriers de la planète, responsable de la mort de centaines de milliers de personnes et de la disparition de nombreuses autres, ayant utilisé des armes chimiques contre sa propre population et bradé son pays pour maintenir son pouvoir, soutenu par l’axe de la “déchéance” et par l’ogre russe, vient de s’effondrer sans effusion de sang.
Cette absence de massacre lors de la chute du régime est surprenante et souligne l’importance historique de cet événement.
Plongée dans l’incertitude
Il existe de nombreuses inconnues et motifs d’inquiétude.
Le groupe Hay’at Tahrir el-Cham, bien que tactiquement transformé, reste ancré dans ses fondements jihadistes et fondamentalistes. Son leader, Abou Mohammad Al-Jolani, montre une habileté politique certaine, mais ses véritables intentions restent douteuses.
La Turquie, ayant soutenu massivement l’offensive, ne cache pas son ambition de démanteler les forces kurdes et de créer une zone de sécurité au nord de la Syrie, révélant ses aspirations impérialistes.
Les défis sont immenses. Comment éviter un massacre entre les rebelles et les restes de l’armée syrienne dans les zones alaouites, où les tensions sectaires sont les plus vives? Comment prévenir une guerre civile entre les Kurdes et les insurgés, lorsque les premiers contrôlent de vastes régions à l’est et au nord du pays? Quel rôle joueront les troupes russes et le Hezbollah, qui a déjà redessiné démographiquement certains quartiers syriens?
La fin de la tyrannie ne signifie pas la fin des troubles. Après des décennies de dictature sanglante, le pays risque encore de connaître des périodes de division et de violence. La communauté internationale doit jouer un rôle clé pour assurer une transition pacifique et aider la Syrie à guérir ses blessures.
Dès demain, les inquiétudes et les calculs géopolitiques reprendront, et avec eux, potentiellement, un sentiment de désillusion, fréquemment ressenti dans la région. Les transitions de pouvoir au Moyen-Orient se terminent rarement sans heurts, et la menace islamiste reste préoccupante.
Triomphe du peuple syrien et espoir de changement régional
Mais aujourd’hui, nous devons célébrer ce qui vient de se passer.
La libération des prisonniers syriens et le retour des exilés renforcent notre responsabilité de soutenir ces changements. La manière dont l’opposition, et plus largement le peuple syrien, gère cette transition malgré les épreuves passées, nous inspire. Nous devons honorer la mémoire de ceux qui ont combattu et sont morts sous ce régime.
Le futur reste incertain, mais il est difficile d’imaginer une situation pire que celle vécue sous l’état de barbarie décrit par Michel Seurat dans son étude sur le régime de Hafez El-Assad. Cela reste une leçon pour tous les autocrates de la région et d’ailleurs, et pour ceux qui ont tenté de normaliser les relations avec le régime en échange d’une stabilité illusoire.
Ceux qui pensaient pouvoir écraser une révolution doivent reconnaître qu’un désir profond de changement agite toujours la région, malgré les tentatives d’étouffement.
Le dernier domino du 7 octobre
La fragilité de la situation est palpable, et les répercussions de la chute de Bachar El-Assad se feront sentir bien au-delà des frontières syriennes, affectant le Liban, l’Iraq, et peut-être même l’Iran. L’axe iranien vacille, et cette transformation pourrait déclencher une violence extrême. La Turquie semble tirer son épingle du jeu dans ce nouveau désordre régional.
Les événements du 7 octobre ont mis en lumière des violences extrêmes, notamment à Gaza, et il est essentiel de ne pas oublier ces tragédies.
Tout est connecté, notamment le Liban, la Syrie, et la Palestine. Sans la chute du régime syrien, rien ne peut être stabilisé. La création d’un État palestinien est désormais cruciale pour la stabilité régionale. Israël ne peut plus se cacher derrière la menace iranienne.
Peut-être, pour la première fois depuis les printemps arabes, il est de nouveau possible de croire en la justice, même si la route est encore longue et semée d’embûches.
Il est temps que la justice prévale également en Palestine.
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Juliette Martin est journaliste spécialisée en politique internationale, avec une passion pour les relations diplomatiques et les questions géopolitiques.