Une série d’explosions de bipeurs a frappé principalement des membres du Hezbollah dans un acte attribué à Israël, marquant une intensification notable dans le conflit prolongé entre Israël et le groupe islamiste libanais.
« On dirait un scénario tout droit sorti d’un thriller d’espionnage », commente Le Soir. Ce mardi, à environ 15h45, une explosion massive de bipeurs a blessé des milliers de personnes, majoritairement des affiliés du Hezbollah, au Liban et en Syrie.
« Dans des zones comme la banlieue sud de Beyrouth, le sud du Liban et la vallée de la Bekaa, sous contrôle du parti chiite, le bilan provisoire fait état d’au moins 2 800 blessés, dont 200 dans un état critique », et d’au moins onze décès, rapporte le média belge, citant des informations du ministère de la Santé libanais.
« Ces détonations semblent constituer un nouveau chapitre dans le conflit entre Israël et le Hezbollah, qui s’est intensifié après une attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, suivie par des tirs de roquettes du Hezbollah vers le nord d’Israël en soutien à leur allié », note The New York Times, ajoutant que « les deux factions armées bénéficient du soutien de l’Iran. »
« Bien que les autorités israéliennes n’aient ni confirmé ni démenti leur implication, Israël est connu pour ses opérations de sabotage et d’assassinat complexes contre ses ennemis », ajoute le journal américain.
The Atlantic souligne que l’État hébreu « a utilisé des technologies numériques ces derniers mois pour cibler le Hezbollah », mais « l’attaque de ce jour est sans précédent et semble marquer un tournant », écrit le magazine.
« Elle a non seulement mutilé des milliers de combattants, mais a aussi potentiellement annihilé la capacité de réponse du groupe en cas de conflit majeur imminent, continue le magazine. Elle a aussi exposé l’identité des victimes, compromettant les efforts du Hezbollah pour garder secrets les détails sur ses membres. »
« Risque d’escalade accrue »
L’opération israélienne représente « l’une des plus grandes menaces pour la sécurité du Hezbollah depuis sa fondation dans les années 1980, époque de l’occupation du sud du Liban par Israël qui a pris fin en 2000 », rapporte El País.
David Des Roches, de la National Defense University à Washington, analyse que c’est un « coup sévère » pour le Hezbollah car « les combattants ne feront plus confiance à leur équipement », désormais considéré comme vulnérable au sein de cette « organisation en réseau », explique-t-il à Al-Jazeera.
« Cela va sérieusement entraver leur capacité à communiquer efficacement en temps réel. Ils n’auront plus cet avantage », dit-il.
Elijah J. Magnier, de l’Institut des affaires internationales (IAI), explique à Le Soir comment Israël aurait piégé les bipeurs du Hezbollah. « Ces derniers mois, le groupe a acquis de nouveaux appareils qui, fabriqués à Taïwan, ne pouvaient être livrés directement au Liban mais via un pays tiers », dit-il.
« C’est dans ce pays tiers que les services de renseignement israéliens auraient placé des explosifs dans les bipeurs, comme le RDX ou le PETN », ajoute-t-il. Les explosifs auraient été déclenchés à distance « par des drones ou depuis la mer », ce mardi.
Dans The Guardian, Yossi Melman s’interroge sur « la sagesse stratégique de l’attaque », qui « augmente le risque d’une escalade de la crise frontalière. »
Il voit dans cette opération un « signe de panique », car bien qu’elle montre une « capacité impressionnante à frapper au cœur du Hezbollah », elle est « peu ciblée » et « ne changera pas la situation stratégique globalement. »
Nétanyahou « dirige le jeu »
« Cette attaque survient dans un contexte de tensions extrêmes », souligne Le Temps. « Les affrontements des trois dernières semaines ont déplacé environ 200 000 personnes des deux côtés de la frontière depuis le 7 octobre, faisant 600 victimes au Liban, dont 137 civils, et 48 en Israël, dont 13 civils israéliens et 12 enfants druzes à Majdal Shams, sur le plateau du Golan, qui revendique encore une identité syrienne », détaille le quotidien suisse.
Le Hezbollah a déclaré qu’Israël était « entièrement responsable » des explosions et a promis qu’il « recevrait un châtiment approprié ».
Mardi, la coordinatrice spéciale des Nations Unies pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, a exprimé sa préoccupation face à cette « escalade extrêmement inquiétante dans un contexte déjà tendu », appelant « toutes les parties à éviter toute action qui pourrait entraîner un conflit plus étendu. »
Ha’Aretz note que l’opération « va à l’encontre des efforts déployés par l’administration Biden pour maintenir la diplomatie face à l’escalade militaire », rappelant que « quelques heures plus tôt, l’envoyé américain Amos Hochstein avait exhorté les hauts responsables israéliens à ne pas aggraver le conflit avec le Hezbollah, mettant en garde contre des conséquences potentiellement désastreuses. »
Le Middle East Eye rapporte que plusieurs experts attribuent aux États-Unis une part de responsabilité dans les derniers développements pour avoir « jusqu’à présent refusé d’utiliser leur influence auprès d’Israël, leur proche allié, pour mettre fin à la guerre à Gaza qui dure depuis près d’un an. »
Un expert, Jamal Abdi, président du Conseil national irano-américain (Niac), pense que l’opération de mardi montre que le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, « mène la danse », et que lui et son gouvernement « se jouent de Biden ».
« Les États-Unis viennent d’envoyer un émissaire pour tenter de dissuader Israël de déclencher une guerre au Liban, et voici ce qu’ils obtiennent en retour. Nétanyahou sait qu’il n’y aura aucune conséquence », conclut-il.
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Juliette Martin est journaliste spécialisée en politique internationale, avec une passion pour les relations diplomatiques et les questions géopolitiques.