Suite à l’annonce de la mort de Hassan Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah, tombé lors d’une attaque israélienne à Beyrouth le vendredi 27 septembre, les médias en Iran débattent sur la réaction de la République islamique face à Israël, son adversaire de longue date, ainsi que sur l’avenir du groupe libanais.
“Le martyr de la guerre sainte”, “Le grand combattant”… Le dimanche 29 septembre, les images de Hassan Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah décédé lors d’une attaque israélienne à Beyrouth deux jours auparavant, dominaient les unes de presque tous les journaux iraniens, indépendamment de leur orientation politique.
Cette perte représente un événement majeur pour l’Iran. Le Hezbollah, un groupe islamiste chiite au Liban, est soutenu et armé par Téhéran et est considéré comme un élément clé de ce que le gouvernement iranien désigne comme l’“axe de résistance” contre Israël. Cependant, les réactions dans la presse et du régime ont été mesurées ce week-end. Ni les autorités ni l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême, n’ont lancé de menaces directes contre Israël suite à la mort de Nasrallah, se contentant de déclarer que la “ligne politique” du leader du Hezbollah serait poursuivie.
Hassan Nasrallah n’était pas nécessairement apprécié par tous en Iran. Mais exprimer cette opinion dans les médias est difficile. À l’intérieur du pays, “de nombreux journalistes et militants ont été menacés par les services de sécurité et sommés de ne pas commenter l’assassinat de Nasrallah”, selon le média basé à Londres IranWire. En mai dernier, certains militants avaient déjà été poursuivis pour avoir diffusé des contenus satiriques sur la mort du président iranien Ebrahim Raïssi, rapporte le site en langue persane.
Et maintenant ?
Que va faire et surtout que peut faire Téhéran ? En Iran, comme parmi la diaspora, des médias spéculent sur une possible réplique iranienne et se questionnent sur le devenir du Hezbollah, principal allié de l’Iran dans la région.
“Il est probable que les autorités de la République islamique maintiennent leur rhétorique habituelle [en menaçant Israël], mais le pays ne serait pas en mesure de soutenir un conflit militaire de grande envergure”, analyse le média persanophone américain Radio Farda. Le site mentionne également la crise économique due aux sanctions internationales.
Cependant, prévient Radio Farda, pour renforcer la capacité de dissuasion du régime, “des voix plus fortes pourraient s’élever en faveur de la construction de la bombe atomique”. Mais si une telle décision était prise, “les puissances occidentales et Israël ne resteraient pas passifs”, conclut le site.
À Téhéran, Etemad estime de son côté qu’en tuant Nasrallah, Israël cherche à “entraîner l’Iran et ses alliés régionaux dans une guerre totale”. Le journal réformiste met en garde :
“Les responsables de la République islamique devraient prendre en compte les intérêts du pays et agir de manière réaliste, comme toujours, face à cette stratégie israélienne.”
“Il est évident que certains courants radicaux dans le pays utilisent cet incident pour attiser les émotions des partisans de la République islamique et influencer ainsi la politique prudente du gouvernement”, critique le quotidien.
Un avertissement contre lequel proteste le principal journal ultraconservateur du pays, le quotidien Kayhan, qualifiant de trahison toute réticence à répondre. “Certains ont averti hier [samedi] que l’Iran ne devrait pas tomber dans le piège d’une guerre” avec Israël, déclare le journal. Ils nuisent à “la dissuasion de la République islamique d’Iran contre ses ennemis et permettent à Israël de porter atteinte à la sécurité de l’Iran”, ajoute encore le journal.
Plus mesuré, le journal réformateur Hammihan cite un expert des questions du Moyen-Orient, Rahman Ghahramanpour, selon qui la mort de Nasrallah et d’autres commandants du Hezbollah “amènera l’Iran à réviser sa politique régionale”. “Mais la portée et la profondeur de cette révision dépendent des capacités que les réalités actuelles du terrain offrent à l’Iran”, explique-t-il au quotidien.
Dans son éditorial rédigé sur un ton très prudent, Hammihan écrit : “Il ne faut pas suggérer à la nation qu’il n’existe qu’une seule option pour le gouvernement et que c’est le conflit militaire direct avec Israël.” Pour répondre à l’assassinat de Nasrallah, l’Iran “doit être conscient des aspects juridiques de toute action” et la décision doit être “prise loin du brouhaha”, conseille le journal. On saura dans les jours qui viennent s’il est entendu.
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Juliette Martin est journaliste spécialisée en politique internationale, avec une passion pour les relations diplomatiques et les questions géopolitiques.