Le père était incrédule. La mère a parlé d’un tsunami émotionnel. Leurs nièces étaient euphoriques. Entre la fin d’une époque et le début d’une ère prometteuse, le quotidien libanais “L’Orient-Le Jour” dépeint la réaction d’une famille de la petite bourgeoisie de Damas face au bouleversement du régime.
Ils s’étaient habitués au silence, évitant même de prononcer son nom à voix haute, même confinés entre leurs propres murs. Ainsi, lorsque Leen fit irruption dans la chambre de sa tante Rawad au milieu de la nuit du 8 décembre, alertée par des détonations, le nom en question demeura non prononcé.
“Il s’est enfui !”
— Qui ?
— Lui !”
Cette nuit-là, le sommeil ne revint dans aucun de leurs yeux.
Voici le portrait d’une famille damascène à huis clos. La veille de la chute du régime, ils n’auraient jamais envisagé d’ouvrir leur porte à un journaliste pour discuter de leur quotidien sous le joug d’Assad. Mais quelques jours plus tard, les différentes générations, celles qui ont grandi sous Hafez et celles qui n’ont connu que Bachar, se sont ouvertes, libérées de la peur.
“Les Syriens sont vraiment uniques”, confie Rawad Ibrahim, une journaliste et auteure, chez elle en compagnie de son mari, Souhail Jarjoura. Elle parle rapidement, évoquant le “choc psychologique”, la “vague émotionnelle” et le “nœud qui s’est enfin dénoué” en eux depuis la chute de Bachar El-Assad. Pendant cinquante-quatre ans, elle, comme des millions d’autres, s’était murée dans le silence, nourrissant un faible espoir de changement.
Anticiper l’avenir
C’est Souhail qui a le plus douté de cette nouvelle. Ce septuagénaire à la retraite, anciennement ingénieur civil ayant passé sa carrière au sein de l’Organisation pour l’exécution des projets militaires dirigée par un cousin d’Assad, ne s’est pas laissé emporter par l’euphorie générale dans les rues de Damas. “Il a attendu le communiqué officiel […] pour vraiment y croire”, raconte sa femme avec un rire. Quelques jours plus tard, depuis son salon, il parle au téléphone sans chuchoter, partageant avec tout interlocuteur l’histoire de la chute du régime.
Quand la rumeur de la fuite d’Assad vers la Russie se propagea rapidement, les messages ont commencé à affluer sur le groupe WhatsApp familial par dizaines. Comme de nombreuses familles syriennes, plusieurs de leurs membres vivent et travaillent à l’étranger.
Tandis que certains, en Europe ou dans le Golfe, exprimaient leur inquiétude ou appelaient à la prudence, c’est Leah, 19 ans, d’une maturité impressionnante, qui les a réduits au silence.
“Nous respectons votre opinion, mais vous ne pouvez pas imaginer ce que
Articles similaires
- Chute de Bachar El-Assad: Réactions en Diaporama de la Presse Mondiale
- Choc et survie en Syrie: Les récits des prisons d’Assad
- Libération d’un prisonnier en Syrie : CNN induite en erreur?
- Chute surprenante du tyran Assad : le tournant décisif!
- Iran : Changement de ton sur la Syrie après la chute d’Assad
Juliette Martin est journaliste spécialisée en politique internationale, avec une passion pour les relations diplomatiques et les questions géopolitiques.